Cavernome porte (thrombose portale ancienne ou chronique)

Le cavernome porte est considéré comme la séquelle d’une obstruction de la veine porte le plus souvent par une thrombose, et est synonyme d’obstruction chronique de la veine porte. La veine porte est la veine qui entre dans le foie après la réunion de la veine mésentérique (en provenance des veines de l’intestin, et du colon), et de la veine splénique (en provenance de la rate).

Le cavernome est un réseau de nouvelles veines « collatérales » dans le même réseau veineux, qui se développe après une obstruction de la veine porte (obstruction de la veine porte par un caillot) pour contourner cette obstruction. Il peut partir de la veine mésentérique ou de la veine splénique ou d’une partie de la veine porte vers la veine porte. Il n’est pas toujours suffisamment efficace pour remplacer l’action de l’ancienne veine porte.

La pression dans la veine sous l’obstacle va alors augmenter et cela peut entrainer des modifications sur le réseau veineux digestif et de la rate. C’est pourquoi la rate peut augmenter de taille, et des veines non visibles auparavant dans la paroi du tube digestif peuvent apparaitre. Ainsi, le cavernome peut être découvert par des complications. Ces complications peuvent ne donner que pas ou peu de symptômes, et être découverts fortuitement sur un bilan radiologique de l’abdomen, ou sur une endoscopie digestive qui montrera des veines dilatées dans le tube digestif (varices œsophagiennes par exemple) ou sur une prise de sang qui montrera des chiffres de plaquettes et de globules rouges abaissés.

Le diagnostic peut être effectué au moment d’une complication avec des symptômes plus marqués, comme au cours d’une hémorragie par rupture de varices Une nouvelle thrombose peut également apparaitre dans le même territoire ou dans un autre territoire et donner des symptômes en rapport avec cette thrombose. Enfin beaucoup plus rarement, la compression biliaire par les veines du cavernome peut être responsable de de calculs ou de stase biliaire entrainant une « jaunisse » ou des infections des voies biliaires.

Étiologie

En Europe, l’incidence de thrombose de la veine porte récente ou chronique chez l’adulte est évaluée à 0,7/100 000 habitants/an et la prévalence à 10/100 000 habitants. Chez l’enfant le diagnostic est le plus souvent fait au stade chronique de cavernome porte. Il existe des formes dans un contexte malformatif, après cathéter veineux ombilical ou omphalite. Environ 50 % restent idiopathiques (sans cause).

Diagnostic de thrombose portale ancienne ou cavernome 

L’échographie-doppler hépatique, la tomodensitométrie et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) avec injection de produit contraste vasculaire permettent de poser le diagnostic. Le diagnostic repose sur l’absence de flux dans la veine porte et la visualisation d’un réseau veineux collatéral correspondant au cavernome.

Une biopsie hépatique peut  être envisagée si une maladie hépatique chronique est suspectée (en particulier une cirrhose ou une veinopathie portale oblitérante). Une élasticité hépatique inférieure à 10 kPa permet d’exclure une cirrhose chez l’adulte.

Un bilan de la cause de thrombose porte doit être réalisé après avoir éliminé une cirrhose.

Prise en charge et traitement du cavernome et des complications associées

Les anticoagulants

Les anticoagulants les plus fréquemment utilisés sont les héparines (héparines non fractionnées (HNF) ou héparines de bas poids moléculaires (HBPM)) et les anti-vitamines K (AVK). Une complication fréquente dans ce contexte est la thrombopénie induite par l’héparine. De fait il vaut mieux éviter les HNF. Les anticoagulants oraux directs semblent efficaces sans sur risque d’hémorragie digestive, en dehors des circonstances habituelles (interactions médicamenteuse, insuffisance rénale, et insuffisance hépatique sévère).

Bilan des causes de thrombose porte chronique (voir facteurs de risque de la  thrombose porte)

  • Interrogatoire sur prise en charge à la naissance et antécédents de cathétérisme de la VO.
  • Mesure de l’élasticité hépatique et analyse de la forme du foie avec le radiologue.
  • Eliminer un carcinome hépato cellulaire
  • Evaluation surpoids et prise en charge
  • Prise de sang complète du bilan étiologique (bilan étiologique ou bilan des causes)
  • Prévoir endoscopie digestive haute et basse
  • Bilan cardiovasculaire selon le terrain
  • Proposer contact avec association de patients, psychologue, diététicienne

Prise en charge des complications de l’hypertension portale

Les manifestations liées à l’hypertension portale (HTP) sont les plus fréquentes. Les varices œsophagiennes (VO) sont présentes chez un patient sur deux. Les autres signes comprennent des varices rectales, une splénomégalie. La fonction hépatique reste préservée ce qui contraste avec des manifestations évidentes d’hypertension portale. Une bi-cytopénie est fréquente liée à l’hypersplénisme.

Les bêtabloquants non cardiosélectifs et la ligature des varices œsophagiennes sont utilisés comme dans la cirrhose, pour prévenir un premier épisode ou la récidive hémorragique par rupture de varices œsophagiennes.

La re-canalisation portale par voie radiologique, associée ou non à un TIPS, peut être discutée lorsque le traitement médical et endoscopique ne permet pas de traiter les complications symptomatiques de l’hypertension portale.

Chez l’enfant aucune étude n’encourage l’utilisation des bêtabloquants dans la prévention de l’hémorragie digestive. En revanche, l’efficacité de la prophylaxie primaire endoscopique a été montrée.

Prise en charge de la cholangiopathie portale

La cholangiopathie portale est caractérisée par des anomalies des voies biliaires intra- et extra hépatiques, en l’absence d’autre cause de cholangiopathie. Elle correspond à la compression extrinsèque des voies biliaires intra- ou extra hépatiques par les veines du cavernome et/ou une ischémie des voies biliaires par thrombose de veinules dédiées à l’arbre biliaire. Des anomalies des voies biliaires sont présentes et visibles à la cholangio IRM chez 77 % à 100 % des malades avec un cavernome. Le plus souvent, la cholangiopathie portale est asymptomatique ou se manifeste par des anomalies isolées des enzymes hépatiques. Les manifestations biliaires sévères (colique hépatique, cholécystite, ictère obstructif, angiocholite, pancréatite) sont rares, survenant dans seulement 5 à 30 % des cas.

Chez l’adulte, un traitement spécifique ne devrait être envisagé qu’en cas d’ictère, prurit, ou d’angiocholite. Le traitement de la cholangiopathie portale symptomatique est le calibrage par prothèse biliaire endoscopique et/ou la décompression portale après re-canalisation portale, L’administration d’acide ursodéoxycholique permet peut être de diminuer le risque de récidive des symptômes.

Chez l’enfant, la cholangiopathie portale survient dans environ 6 % des cas. Certains enfants restent asymptomatiques mais développent des anomalies radiologiques et/ou de la biologie hépatique. L’évolution vers la fibrose hépatique est quasi systématique. La survenue d’une cholangiopathie portale doit donc faire discuter un traitement chirurgical de re-canalisation portale par un shunt meso rex, en raison du risque de cirrhose biliaire secondaire.

Évolution du cavernome

Les complications les plus fréquentes sont l’hémorragie digestive liée à l’HTP, la récidive d’une thrombose et les complications biliaires. La récidive de thrombose est souvent asymptomatique, donc sous-estimée et de conséquence mal évaluée. Ceci n’est pas observé chez l’enfant.

L’ascite, l’encéphalopathie hépatique, les infections bactériennes sont rares et le plus souvent transitoires. Elles surviennent préférentiellement au décours d’une hémorragie digestive. La fréquence de l’encéphalopathie hépatique minime serait néanmoins de 35 %, non évaluée chez l’enfant.

Des nodules hépatiques de type « HNF-like » sont fréquemment retrouvés à l’IRM chez l’adulte. Les complications cardiovasculaires à type de shunts intra-pulmonaires et d’hypertension artérielle pulmonaire ont été rapportées.

Sources :

Fiche d’information Orphanet

Recommandations AFEF 2018 HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive, vol. 25 n°8 supplément 2, sept 2018 (A. Heurgué, A. Payancé, D. Habes, S. Franchi-Abella, Thrombose porte récente non cirrhotique, p. 31-36 ; L. Elkrief, P. Houssel-Debry, O. Ackermann, S. Franchi-Abella, S. Branchereau, Cavernome porte ou thrombose porte chronique, p. 37-42)